Prise d'empreinte

Comment réussir une prise d'empreinte profonde

La prise d'empreinte du conduit auditif externe est un acte professionnel réservé à l'audioprothésiste diplômé d'État. C'est un geste technique qui doit être réalisé avec précision et précaution. Nous vous proposons ici quelques conseils pour la réalisation d'une empreinte profonde, au-delà du 2ème coude, nécessaire à la fabrication d'un intra IIC. Cependant, la prise d'empreinte profonde reste utile pour toutes les autres adaptations : intras CIC, ITC et ITE, contours BTE et RIC, et même indispensable pour les bouchons anti-eau et anti-bruit.

1. Précautions préalables

a) Utilisez une pâte 50/50 suffisamment fluide pour ne pas dilater les cartilages du conduit.

b) Vérifiez le conduit à la recherche de cérumen, et en cas de bouchon adressez le patient à son ORL.

c) Vérifiez l'absence d'évidement pétro-mastoïdien dans le conduit. Pour tenir compte de l'angle mort de l'otoscope (hachuré de rouge sur le schéma ci-contre), faire faire au spéculum un mouvement de rotation pour balayer en haut, à droite, en bas, à gauche.

d) S'il y a un évidement, n'utilisez pas les otoblocs en mousse pour le boucher, car l'élasticité de la mousse risque de vous empêcher de pouvoir remplir l'évidement. De plus, à cause de sa forte rugosité, la mousse va se coller à la pâte entrant dans le conduit avec le risque qu'elle s'échappe de l'évidement, qui alors pourra se remplir de pâte !
e) En cas d'évidement, utilisez des boules de coton, exclusivement. Après l'insertion de la première, ajoutez une deuxième pour tasser la première, et ainsi de suite jusqu'à ce que cela ne rentre plus. La non-élasticité et la texture douce vous garantissent le maintien de la protection dans la cavité. Si vous faites vous-même les boules à partir de coton hydrophile, faites un nœud très serré sur le coton afin qu'il n'en reste pas dans l'avidement lors du retrait de l'empreinte. Nous vous conseillons d'acheter du fil de polyester ou de lin, nettement plus solides que le fil de coton !

f) Laissez pendre le fil du protège tympan, sans le bloquer en le passant derrière l'oreille afin que la pâte puisse pousser le protège tympan dans le 3ème tiers du conduit. En effet, à cause du deuxième coude osseux, vous ne pourrez pas positionner la mousse dans le 3ème tiers du conduit auditif externe en utilisant le pousse-coton, et c'est la pâte qui effectuera ce travail.

g) Vous choisirez un protège tympan conique, et non cylindrique, afin de réduire la surface de contact entre la rugosité de la mousse et le conduit auditif. Donc plus de confort pour le patient lors de l'introduction de la mousse, dont la plus faible rétention permettra à la pâte de la pousser dans le 3ème tiers du CAE.

h) Ne faites pas de nœud à la mousse avec le fil, afin de lui conserver toute son élasticité pour qu'elle se plaque sur les parois du 3ème tiers du conduit, plus large.

2. Trois erreurs à éviter

a) N'injectez pas trop rapidement la pâte dans le conduit pour ne pas risquer de faire pivoter la mousse et ainsi ouvrir un passage de la pâte au-delà de la mousse. En cas d'empreinte profonde, il y aurait alors un risque pour le tympan.

b) N'enfoncez pas la seringue dans le conduit jusqu'à boucher le méat, car l'air doit pouvoir s'échapper pour obtenir une insertion profonde de la pâte. Si l'ouverture du CAE est bouchée par la seringue, la pâte n'arrivera même pas jusqu'à la mousse.

c) Ne lissez pas l'empreinte après l'injection de la pâte. En effet, un lissage, même léger, va exercer une pression sur les cartilages et dilater l'empreinte. Une oreille âgée a perdu l'élasticité des parois du conduit, et toute déformation restera inscrite dans l'empreinte. La déformation n'étant pas homogène, la coque d'intra ou l'embout réalisés perdront en étanchéité et en confort de port. Sur la photo ci-contre, le lissage évident incitera le fabricant à vous demander d'en refaire une plus fidèle.

3. Bouche ouverte vs bouche fermée

Le conduit auditif externe est plus large bouche ouverte que fermée. C'est parce que l'ATM (articulation temporo-mandibulaire) fait avancer le mur avant du CAE à l'ouverture de la bouche.

En ouvrant la bouche, le mur avant du conduit auditif externe est tiré vers l'avant par l'ATM. Les tissus cartilagineux du 2ème tiers, très souples, se distendent légèrement.

Avec une empreinte bouche fermée, le patient aura une bonne étanchéité quand il aura la bouche fermée. Mais en ouvrant la bouche, lors du repas par exemple, une fuite acoustique se produira par l'avancée de la paroi frontale du CAE, ce qui reviendra à une aération supplémentaire. Avec 4 conséquences :

  • Une fuite des basses fréquences, avec baisse de la sonie
  • Une baisse du Gain Critique, avec plus de risques de Larsen
  • Une mauvaise rétention dans le conduit, obligeant parfois le patient à renfoncer l'intra ou l'embout dans l'oreille
  • Des mouvements de l'intra lors de la mastication, créant une gêne dans la partie osseuse du CAE, sensible (pas de gêne cependant si l'intra est court, en zone cartilagineuse)

Avec une empreinte bouche ouverte en revanche, l'étanchéité, le gain critique et la rétention de l'intra seront maintenus et assurés tout au long des repas. Les mouvements de l'ATM ne feront plus bouger l'intra ni l'embout, préservant ainsi le confort de port. En conséquence, nous vous conseillons de réaliser toutes vos empreintes en bouche ouverte.

Pour assurer le maintien de l'ouverture de la bouche pendant le durcissement de l'empreinte, demandez au patient de placer la deuxième articulation du pouce entre les dents. Pensez à lui expliquer, ou lui montrer, la manip avant de lui boucher les oreilles !

4. Les étapes de la prise d'empreinte

a) Enlevez la pointe de la mousse otobloc, et positionnez-la au 2ème coude. Inutile d'aller plus profond. Vérifiez l'étanchéité à l'otoscope.

b) Demandez au patient de déglutir, en continu, quand il sent la pâte entrer dans le conduit.

c) Injectez la pâte très doucement pour remplir le 2ème tiers du conduit, sans boucher le méat avec la seringue

d) Quand la pâte devient visible au 1er coude, exercez une pression sur le piston, très ferme, mais brève, pour pousser la mousse dans le 3ème tiers du conduit. Il n'est pas possible de gérer la pression d'injection avec un pistolet et des cartouches.

e) Remplissez la conque puis la cymba en gardant le bout de la seringue dans la pâte pour une meilleure homogénéité. Maintenez la seringue perpendiculaire à la surface d'injection pour que la pâte s'étale en cercles concentriques autour du point d'injection.

f) Terminez en recouvrant complètement le tragus.

e) Montrez au patient l'ouverture de la bouche avec le pouce.

g) Pour le retrait de l'empreinte, dégagez d'abord le haut de la conque, et faites-la pivoter d'1/2 tour pour laisser passer l'air. Extrayez l'empreinte en tirant légèrement sur le pavillon.

5. Pourquoi une empreinte profonde

L'insertion profonde, au-delà du 2ème coude, supprime l'autophonie passive. En effet, le 3ème tiers osseux du CAE est solidaire de la boite crânienne, qui ne peut vibrer lors de la phonation car la masse du cerveau l'en empêche. Les vibrations laryngées cartilagineuses ne peuvent alors plus arriver au tympan.

Les avantages acoustiques de l'insertion profonde sont bien connus pour l'adaptation en intra (cf. Zoom Les nouveaux intras), et ils sont tout aussi utiles pour les adaptations en RIC et en BTE.

L'insertion profonde est prudente pour des bouchons anti-eau pour l'enfant. Elle supprime la résonance de la propre voix, et évite que l'enfant n'enlève ses protections alors qu'il s'amuse dans l'eau en criant. De même, supprimer la gêne due à la résonance permet de bien mieux tolérer les protections anti-bruit, surtout s'ils doivent être portés dans la durée.

Des empreintes profondes font des intras invisibles, bien mieux acceptés par les patients.

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