Hyperacousie

Caractéristiques et conduite à tenir

Caractéristiques

Définition

L’hyperacousie est une sensation d’intolérance à des sons ou à des bruits présentés à un volume jugé tolérable par l’entourage. Ces sons sont perçus comme étant plus forts qu’en réalité. Une personne hyperacousique a du mal à tolérer des sons comme : bruit de vaisselle, foule, rire, sonnerie du téléphone, cri d’enfants, aspirateur, etc. Cette hypersensibilité est contraignante, voire douloureuse dans certains cas.

 

Conséquences

Les impacts sur la vie quotidienne sont nombreux et difficiles à vivre : difficultés à effectuer des tâches courantes et des activités sociales ; stress (également facteur aggravant de l’hyperacousie), irritabilité, conflits, évitement des activités sociales. Non traitée, l’hyperacousie peut générer un syndrome dépressif, d’où la nécessité d’une prise en charge précoce. Malheureusement, les stratégies souvent mises en place par le patient lui-même, surprotection auditive et isolement, contribuent à renforcer l’hyperacousie. Il est donc indispensable d’en informer le patient.

 

Causes

Elles sont multiples. Bien que l’hyperacousie puisse être déclenchée ou amplifiée par des chocs émotionnels, elle est généralement liée à un dysfonctionnement du système auditif. Lequel provient le plus souvent de dommages à la cochlée, causés par un trauma sonore, une exposition prolongée aux sons forts, des médicaments ototoxiques, un trauma crânien, etc., créant une sous-stimulation de l’aire auditive cérébrale correspondant à la plage fréquentielle atteinte.

L’hypothèse courante est qu’en compensation de cette sous-stimulation, le cortex provoque une augmentation du gain central du système auditif par une hyperactivité neuronale dans cette zone fréquentielle. Ce gain neuronal augmenté faisant atteindre le seuil d’inconfort plus rapidement1. Un peu comme un amplificateur de sons moyens et forts, dans une zone fréquentielle.

 

Mise en évidence

Audiogramme mise en évidence d’une hyperacousie sur le 3 kHzEn audiométrie, l’hyperacousie se met en évidence par un rapprochement des courbes HTL & UCL [Fig. 1]. Le test UCL doit être fait en accord avec le patient et avec beaucoup de précautions pour ne déclencher ni douleur ni crise acouphénique. Chaque intensité doit être présentée à l’oreille extrêmement brièvement, avant de passer à l’intensité supérieure. L’expression du visage, le réflexe palpébral et les mouvements spontanés de la tête sont des réponses-patient plus rapides que l’expression verbale d’inconfort. Il faut alors être attentif et réactif.

 

Physiologie vs psychologie

La thérapie sonore, efficace sur l’hyperacousie, est inopérante sur des pathologies avec des symptômes proches telles que la misophonie et la phonophobie. Il ne faut donc pas les confondre. Si la première est une diminution du seuil de tolérance aux bruits et génère une douleur, les deux autres sont une aversion à tous types de bruit et génèrent une peur. Misophonie et phonophobie sont des atteintes psychologiques que vous ne prendrez pas en charge, car elles devront donc être traitées par des thérapies spécialisées, comme une TCC ou une ACT par exemples2. De simples tests vous permettront de savoir quand l’intolérance est psychologique :

  • Quand les seuils comparés de tolérance au bruit et à une musique appréciée par le patient sont différents
  • Quand les seuils comparés de tolérance au bruit lorsque c’est vous ou le patient qui contrôlez l’intensité sont différents

 

1 https://www.irsst.qc.ca/publications-et-outils/publication/i/100956/n/modulation-%20gain-auditif-central-readaptation-travailleurs-acouphenes
2 https://www.aftcc.org/ & https://contextualscience.org/un_breviaire_en_francais

Conduite à tenir

Une thérapie sonore, à l’aide du générateur de bruit blanc (GBB), vous permettra d’agrandir la dynamique résiduelle du patient. Elle sera efficace à condition que le patient ait intégré les tenants et aboutissants. Parce qu’accepter le port d’un générateur de bruit quand on est hyperacousique est plutôt contre intuitif, il est nécessaire d’expliquer la thérapie avant de l’appliquer.

Explications

La sensation d’intensité sonore est subjective.

Le cerveau ne peut pas quantifier l’intensité sonore d’un signal, il n’est sensible qu’à son émergence sur l’environnement sonore. Par exemple, pour un même niveau de réglage du volume avec des écouteurs Bluetooth®, la musique paraîtra plus forte dans le calme et nettement moins forte dans un environnement bruyant [Fig. 2].

figure 2

Fig. 2 : mise en évidence du caractère subjectif de la sensation d’intensité sonore par l’exemple de la musique

 

Dès lors, un bruit doux de thérapie, constant et réglé à un niveau confortable pour le patient, servira de « matelas sonore » réduisant l’émergence de tous les sons de la vie quotidienne. Or une émergence réduite, c’est une sensation d’intensité aussi réduite.

Il est possible d’entraîner le cerveau à réduire la sensation d’intensité.

Une trop longue surprotection auditive déshabitue le cerveau à la perception normale d’intensité des sons. Il surinterprétera l’intensité des sons. Un parallèle peut être fait avec la vue : un long séjour dans une pièce sombre déshabitue le cerveau à la perception normale d’intensité lumineuse, et quand on sort, tout nous éblouit.

De ce fait, l’habituation à un niveau sonore faible par un isolement ou une surprotection auditive, exacerbe aussi la sensibilité aux intensités sonores. Il faut donc bannir les protections/bouchons d’oreille et les casques anti-bruit qui aggravent l’hyperacousie. Réhabituer le cerveau à entendre à un niveau normal c’est l’entraîner à normaliser les sensations d’intensité. Cette normalisation de la sonie se fait par une réduction progressive du gain neuronal.

Réglage du GBB

Type de bruit :

Vous utiliserez de préférence un bruit personnalisé isosonique (Cf. Zoom Acouphène pour sa réalisation). Ce bruit thérapeutique sera en large bande, même si l’hyperacousie est limitée en fréquences. Cependant, si votre patient semble très stressé, vous pourrez aussi utiliser celui des 4 bruits de vagues qui lui sera le plus agréable. S’il porte régulièrement ses appareils et autant que possible, le patient écoutera de moins en moins le bruit et s’y habituera, parfois au point de n’être plus conscient de sa présence.

 

Adaptation dans l’oreille :

Comme il faut laisser entrer les sons externes, vous adapterez en Open.

  • Avec une perte auditive appareillable, vous commencerez en Open par un GBB seul sans amplification afin d’agrandir la dynamique auditive et permettre de tolérer l’amplification. En effet, si l’écart UCL-HTL est < 20 dB, il est quasi impossible de corriger la perte par une amplification. Puis, quand la dynamique sera suffisamment agrandie (> 25 dB) pour ajouter une amplification, vous réduirez l’évent selon les besoins de gain BF & HF.
  • Sans perte auditive à corriger, vous resterez en Open.

 

Réglage du niveau de bruit de thérapie :

Commencez par un bruit réglé juste au-dessus du seuil d’audition, pour la première semaine. Puis vous augmenterez très progressivement, par pas de 1 à 2 dB selon l’acceptation du patient, le volume de bruit à chaque rdv de suivi (tous les 15 jours pour les patients plus jeunes et toutes les 3 semaines pour les plus âgés). L’augmentation du niveau du bruit devra s’arrêter au point de mélange (cf. Zoom acouphènes) si le patient a aussi un acouphène, et juste avant l’inconfort du patient si le patient n’a pas d’acouphène.

Le patient ne doit pas avoir accès à ce réglage, qui devra n’être ajusté que par vous. Pour cela, dans l’onglet « Configuration » de Connexx, réglez à 0 dB la plage du bruit de thérapie [Fig. 3]. Un accès au volume du bruit inciterait immanquablement le patient à le réduire, avec un impact négatif sur sa rééducation aux sons, rallongeant sa désensibilisation.

Fig. 3 : désactivation du réglage du niveau du bruit de thérapie par le patient

 

Durée de port quotidien :

Les appareils générant le bruit de thérapie doivent être portés le plus longtemps possible, dans la fourchette de 8 à 16 heures par jour.
 

Durées moyennes de la désensibilisation :

Pour une hyperacousie légère il faut compter 3 mois, 6 mois pour une hyperacousie moyenne, et un an pour une sévère. Ces durées seront plus courtes pour des patients plus jeunes.

Réglage de l'amplification, en cas de perte auditive associée

Quand la dynamique auditive du patient sera suffisante pour tolérer une amplification, cette dernière devra être sous ajustée au départ puis progressivement augmentée par paliers de 2 à 3 semaines pour obtenir à terme une correction optimale de la perte auditive. Cette sous-amplification initiale sera ajustée pour permettre une adaptation en Open sans Larsen, et une sonie confortable pour le patient. Les compressions, les MPO et les traitements du signal seront fortement surévalués pour une protection maximale du patient, même au détriment provisoire de l’intelligibilité. Puis, avec les paliers d’augmentation du gain, vous réduirez la sur-efficacité des compressions, des MPO et des traitements du signal.

Cas particulier

Si le patient, sans perte auditive, refuse tout net d’enlever ses protections auditives, parce que l’intolérance se manifeste vraiment très tôt par exemple (≈ 50 - 60 dB), vous ferez alors de gros embouts fond de conque sur mesure en silicone sans évent, avec une profondeur d’insertion au-delà du 2ème coude pour éviter la résonance de sa propre voix. Afin de les rendre acoustiquement transparents, vous compenserez l’effet bouchon par une amplification des sons faibles réglée de façon à obtenir une audiométrie liminaire en champ libre quasi normale, malgré la présence du bruit de thérapie. Au départ, les MPO seront réglés au plus bas, et les CR des AGC-i seront au maximum, afin de protéger le patient des aléas sonores. Puis vous relâcherez très progressivement (pas de 1 à 2 dB) la dynamique des appareils tout en augmentant le niveau du bruit de thérapie et l’aération, par paliers de 2 à 3 semaines. Bien sûr vous réajusterez le gain, suite à l’ouverture des évents, pour garder l’audiométrie liminaire normale.

Autres thérapies utiles

D’autres solutions peuvent aussi accompagner cette prise en charge de l’hyperacousie, notamment l’utilisation de méthodes de relaxation et de gestion du stress comme la sophrologie, le yoga, la méditation. Les thérapies TCC et ACT peuvent aussi aider les patients hyperacousiques. Le cerveau est en effet capable de s’adapter et de corriger lui-même le réglage de perception des sons, ainsi que l’interprétation du fort et du faible.

 

En résumé, trois points essentiels :

  • Vérifier que la gêne du patient est bien d’ordre physiologique et non psychologique.
  • Le bruit isosonique est adapté en Open, d’abord au seuil auditif puis augmenté toutes les 2 à 3 semaines, par pas de 1 à 2 dB.
  • Le patient ne doit pas avoir accès au réglage du bruit.
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